Écriture créative : A la manière de… (5/5)

A la manière de Marguerite Duras.

Par Reid Schuncke

 

1

Francis est mort. Il est allongé sur son grand siège inclinable de cuir marron, dans son petit salon. Le papier peint de l’ancien mur s’écaille. Sa télé est allumée. Il était en train de regarder un match de foot. 

Comme d’habitude, Francis porte un t-shirt et son pantalon de survêtement qui doit être lavé. Il y a des traces de sang sur sa bouche et sur ses mains, mais on ne sait pas pourquoi il a saigné. Son visage est gris, ses yeux sont ouverts. On ne peut pas discerner son expression – est-ce qu’il est serein ? Fâché ? De cette perspective, rien n’est clair. 

À côté de Francis, il y a un verre. Il contient une substance collante. On ne peut pas le sentir, mais si vous connaissiez Francis aussi bien que moi, vous sauriez ce qu’il y a dans ce verre. 

On doit tourner le dos à Francis.

 

2

Francis et moi, nous étions jeunes ensemble. Nous avons grandi ensemble. Mais nous ne sommes pas morts ensemble. Viens! Viens avec moi, chérie! C’est Francis, et il a 15 ans. Il était le type de jeune qu’on aime et déteste, les deux. Il était charmant. Il était égoïste. Il était courageux, mais aussi négligent.

Viens! Viens! Et je suis toujours venue. 

Dans la chaise, Francis ressemble à un vieil homme, mais il a seulement 35 ans. Les lignes sur son visage sont intensifiées par la mort. 

Quand nous étions jeunes, il était beau.

 

3

Les empreintes sur son verre sont sanglantes. Il y a d’autres bouteilles qui encerclent Francis, des bouteilles de couleurs et tailles différentes. On remarque qu’il y a aussi du verre brisé. Des petits éclats de verre scintillent autour de l’homme mort, comme des petits diamants. 

Quand on tourne le dos à Francis, le verre est écrasé sous les pieds.


_ _ _ _ _ _ _ _ _ _

A la manière de Marcel Proust

Par Lindsey Solo

Comme le dit l’adage : de connaître quelque chose comme le dos de vos mains, c’est d’avoir étudié chaque ligne, chaque courbe, et chaque tache de rousseur, mais je n’aime pas vraiment le dos de mes mains. Néanmoins, je passe le temps à me concentrer sur leur forme et chaque détail que j’aurais appris à détester. 

Vingt ans de curiosité visuelle ont transformé ma familiarité en une aliénation. L’eczéma, des doigts cassés, des bagues ternies, et des poils qui reviennent. J’oublie leur importance capitale quand je me concentre seulement sur leur forme physique. Chaque fois, quand je prends une douche trop chaude, ils risquent d’être brûlés, ils caressent mes chats, communiquant un amour simple (mais néanmoins profond), ils apprennent à écrire les histoires et à tourner les pages des romans, ils réchauffent les autres, prolongent mon corps hors de ses lignes rigides. 

Je ne sais pas quand la familiarité a commencé à impliquer l’engourdissement, peut-être en me regardant dans le miroir je me suis détachée d’une façon nostalgique. J’ai envie de contrôler mes pensées, mais alors c’est futile. Le travail de Simone de Beauvoir a démystifié mes pensées quand elle a écrit : « La femme… sait que quand on la regarde, on ne la distingue pas de son apparence. » Il semble que c’est une partie de l’expérience d’être une femme. Je me concentre toujours sur ce qui est tangible et immuable plutôt que l’inverse. Les couleurs, les lignes et les formes se métamorphosent en quelque chose de flou. J’ai perdu la vue. Dans un effort de réorientation, je baisse les yeux et retourne étudier mes mains. En faisant l’effort de prendre le contrôle de ma vie, mes mains ont décidé de décoller le miroir fixé à mon mur. C’était un acte de rébellion involontaire. 

Alors, il a laissé un cercle de colle sur le mur. C’est peut-être ce qui donne à la nostalgie une connotation pas complètement positive. C’est impossible de combiner toutes les versions différentes de nous-mêmes. Nos vraies identités existent comme des collages de petits et de grands souvenirs, cachées loin dans nos esprits. Notre existence est collective : une collection des moments du passé qui ont encore des impacts aujourd’hui, même avec les choix d’hier. Oublier, oublier, oublier notre réflexion. C’est seulement son ombre.  

Bien sûr, la colle oubliée est le lien entre tout cela. C’est suspendu comme un chef-d’œuvre, mais il ressemble à une tache. Trop transparent à nettoyer, mais avec le temps ces petites taches accumulées forment des nuages de mémoires oubliées – belles et irrésistibles. Des photographies des premières amours, un crayon gras rouge, des posters de Selena Gomez, tous ont laissé leur marque. Il semble que devenir adulte soit synonyme de restaurer les murs blancs banals dans notre chambre qui étaient avant cachés par des petits rappels de souvenirs que nous voulions garder pour toujours. Il semble que grandir comme une femme soit en partie d’oublier notre passé et de retrouver nos essences nues. De reconnaitre que nos conceptions de soi doivent contenir nos qualités abstraites. 

Écriture créative : A la manière de… (4/5)

A la manière de Virginie Despentes

Par Tremaine Dawson

Un parc qui se transforme en une forêt plus on le parcourt. Fabian commence son voyage vers 18h. La soleil va se coucher bientôt mais il s’en fiche. Il court tous les mercredis pour rester en forme et passer le temps car chez lui, c’est très isolé. Il écoute 6lack, un artiste rappeur américain qui l’intéresse puisqu’il a fait le choix d’apprendre l’anglais il y a deux mois. Il ne sait pas ce qu’il dit mais il aime le rythme et ses productions. Le paysage du parc est très joli maintenant. Les feuilles changent de vert à orange, marron, et certaines feuilles décorent le sol de son chemin. 

Pendant que la musique joue, il pense à sa vie. « Est-ce que j’aime ma vie maintenant ? Qu’est-ce que je voudrais faire à l’avenir ? Et suis-je prêt à changer ma vie ? » Ses pensées prennent tellement le dessus sur son esprit qu’il ne se rend pas compte qu’il est presque chez lui. Le chemin traverse le parc et après la forêt mène directement à son grand et nouvel appartement. Il y a 15 étages et il habite au 12ème. « Je peux voir toute la ville », dit-il à tout le monde qui lui demande pourquoi. C’est pas exactement faux mais c’est pas la vérité totale. C’est aussi pas son choix de vivre tout seul. C’est la vie. Je vous dirai plus tard. 

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

A la manière de Marguerite Duras.

Par Claire Bennett

Dès que Paul revient de l’armée, il semble différent. Même s’il est difficile à décrire, néanmoins il est clair qu’il lui manque quelque chose. Oui, son bras droit sous le coude, mais Paul n’a pas besoin de son bras droit. Il n’écrit ni fait de sport ni mange à la fois avec une fourchette et un couteau. Donc, le fait qu’il n’a pas son bras droit sous le coude va assez bien pour Paul.

Pendant sa jeunesse, Paul était le pire avocat de la ville. C’était bien connu, et on se moquait bien de lui. Il pratique le droit immobilier, le domaine le moins respectable selon quiconque qui compte. Sous la direction de son père, il a perdu 30 kilomètres carrés qui avaient appartenu à une ferme de pommes de terre, une gaffe incroyable. De toute façon, il a donné ces 30 kilomètres carrés à une grande entreprise chimique, qui a inondé le sol avec plus d’une tonne de chlorofluorocarbures. Toute la terre est abîmée, et tout le fleuve en aval, aussi. Ça c’est la sorte d’histoire vraie qui ne pourrait pas arriver sauf dans une petite ville, et qui ne pourrait pas arriver sauf à quelqu’un comme Paul. Tant pis. 

Alors Paul est différent, et nous réfléchissions tout au long de son premier mois chez lui, réuni avec sa grande voiture rouge et les cigarettes qui lui étaient à nouveau librement disponibles. Ses dents semblent plus tranchantes, ses yeux plus bleus. En fait, la différence se trouve dans son travail. Non, Papa, laissez-moi, vous ne regretterez rien, je vous promets. 

Son père est mort. Tant pis. 

Mais après cette guerre, toute cette mort-là, il est impossible pour lui de perdre un dossier. Il a appris outre-mer une sorte de cruauté qu’il faut avoir pour réussir dans le domaine du droit immobilier. Paul a trouvé lui-même une belle femme, Stéphanie, qui est blonde et insipide et, nous pensons, ne lui pose aucun problème. Bien joué, Paul. L’argent, la femme, la vie. Tout ça. Pas le respect de la ville—on ne boit plus de l’eau et ne mange plus les pommes de terre—et il y aura toujours la petite difficulté avec ce bras droit, mais bon, tant pis.

Paul me donnait des coups de poing au lycée, d’habitude le jeudi, entre les cours de biologie et d’histoire. On oublie ce type de truc. De toute façon, il manque le bras droit à Paul, et malgré la guerre et les énormes muscles bronzés, je pourrais le battre dans un combat qui aurait été équitable s’il avait eu ses deux bras. En plus, on a de la peine pour Paul, le pauvre homme, donc ce n’est pas une grande injustice qu’il m’ait frappé au lycée. La vie le frappe. Tant pis. 

Il est vrai que les bonnes choses arrivent aux mauvaises personnes, mais il est aussi vrai que les mauvaises choses arrivent aux mauvaises personnes, comme moi. Je conserve les deux bras, mais je n’ai pas épousé une jolie femme ou quelque chose comme ça. Je travaille, mais je n’ai jamais causé un grave désastre écologique, et je ne suis jamais devenu le meilleur avocat dans un rayon de 500 miles. Tant pis. 

Un vendredi de mai, je dépasse Paul dans la rue. Il paraît avoir sanglé un bâton à son coude droit, cachant tout l’appareil sous la manche de sa chemise. Il est en colère, à cause de je ne sais quoi. Stéphanie marche trois ou quatre pas derrière lui, son regard fixé sur le trottoir. En quittant son appartement, un jeune homme traverse l’espace honteux entre le couple malheureux. Sous le soleil du printemps, on peut voir la beauté sur le visage de Paul, la beauté sous la cicatrice de guerre et la maigreur persistante de ses joues.

Je ne le vois plus jamais. Rien ne change dans la ville, et on s’en fiche, et c’est ça. Tant pis.

Écriture créative : Un récit personnel (3/5)

Récit personnel d’un événement historique.

Par Claire Bennett

L’idolâtrie

C’est mercredi.
Il fait froid, mais la neige n’a pas encore commencé : les semaines troublantes entre l’automne et l’hiver. Le monde est tranquille d’une façon écœurante. Hier, tout le monde a déposé son pouvoir aux marches de la mairie et maintenant on attend, figé et épuisé. Les deux hommes ont fini de se disputer sur l’écran de la télé, puis nos parents ont rendu leurs bulletins de vote.
Nous sommes dans ma voiture dans le parking vide de notre lycée. Nous frissonnons même sous le chauffage, et nous jouons les chansons que nous aimons tous les deux. Dans d’autres circonstances, on paraîtrait heureux, mais cette semaine il n’y a pas de bonheur. En fait, nous disons à l’autre qu’il n’y a que de la peur.
Je veux conduire cinquante miles sous le ciel gris, acheter des burgers et les manger en pleurant, s’embrasser, lire encore et encore et encore la nouvelle, la spéculation, les espoirs et les cauchemars des adultes qui savent mieux que nous. Mais mercredi, sous le ciel bleu et blanc qui ne bouge pas, on ne fait rien. Tu bois le café noir glacé, et je fais pareil. Nous faisons toujours les mêmes choses, un phénomène que je trouve à la fois rassurant et inquiétant. Tu me dis : « Ça va aller », et je ne te crois pas, mais je dis quand même : « Ça va aller ».
Les nuages planent dans le ciel et les oiseaux sont endormis. C’est comme une photo, la rue vide devant notre lycée et le soleil caché derrière le gris épais. Je sais que le monde tourne autour du soleil, et il tourne lui-même, et le système solaire fonce aveuglément vers l’espace, mais nous sommes trop petits pour le sentir. Aujourd’hui, nous sommes même trop petits pour sentir le mouvement d’êtres humains autour de nous. Le monde est vide, et ma voiture roule à travers la ville immobile sans croiser personne.
Si c’est une vie tranquille, ou exaspérante, je ne sais pas.

C’est encore mercredi.
Nous sommes sur le canapé de la maison, plutôt la cabane, de ton père. Il travaille tard, comme d’habitude. Je m’aperçois quand tu me parles de la nouvelle et de la politique et ta peur que la vie reprendra comme d’habitude après la folie de cette semaine. Nos soucis seront inutiles et faibles, un sentiment qui deviendra normal quand nous serons plus âgés.
Nous regardons, aujourd’hui et hier et toute la semaine dernière, un homme à la télé que nous aimons également. Il semble intelligent, bien habillé, et il nous rassure. Il dit toujours la bonne chose. Sa spéculation est incertaine et dénuée de sens mais elle nous rassure quand même. Je me sens bête, apaisée par l’homme des informations, son visage déformé un peu par une déviation à l’écran. Tu m’as dit une fois que ton père a filé un coup de genou à l’écran, mais j’ai oublié, et maintenant je le regarde aveuglément. Je décide qu’il est toujours aussi moche. Je ne me souviens plus de son nom, alors il doit être l’homme laid de la télé.
Ton papa nous a laissé des légumes rôtis (froids) et du riz trop cuit (encore chaud), et nous les mangeons sans réchauffer dans le salon. Nous ne parlons ni sourions. Il neige pour la première fois. Je te dis : « Il neige. Très beau », et j’essaye de ne pas tomber endormie contre ton épaule lorsque tu me racontes ce que tu faisais avec tes parents dans la neige quand tu étais petit.
Je décide de passer la nuit, sans en avoir discuté avec toi, car je ne veux pas conduire les quatre minutes entières vers chez moi. En plus, tu es plus heureux quand je dors sur ton lit et quand tu dors sur le sol devant le radiateur. Tu m’assures : « Non, non, c’est assez agréable. Tu ne me déranges jamais. » Et je n’exprime pas mes soucis. Tu admires, tu me dis, les rainures du sol en bois, et tu aimes les traces qu’ils laissent dans ta peau.
Alors la nuit passe et l’aube arrive.

C’est jeudi.
Nous nous assoyons côte à côte sur le canapé. Je regarde l’homme, qui porte aujourd’hui un costume bleu, et tu regardes le sol. Il dit que le dépouillement a fini dans un petit état désert. Il ajoute trois voix à un graphique bleu et rouge sur l’écran. Ses mains bougent avec une fluidité captivante. Nous les suivons à travers la télé, une grande arche, et nous les regardons sur le bureau en verre devant lui.
Tu ne lis que les romans policiers, un trait que je trouve à la fois charmant et déroutant, mais maintenant tu me dis que tu n’aimes ni le suspense ni l’incertitude. Ton hypocrisie t’humanise, mais je ne dis rien.
Jeudi, on ne mange pas. Je regarde fixement le plafond, les poutres qui suggèrent une histoire plus ancienne de la maison que ta famille connaît. Tu me demandes si je suis toujours comme ça, et je te demande, en colère : « Comme ça ? Ça veut dire quoi ? » et tu me fais tes excuses, me soulageant. Je ne le dis pas, mais je suis en fait toujours comme ça. Je marche en rond autour ta table basse, mes mains dans les cheveux, réfléchissant, prenant le monde entre mes deux petites mains et l’écrase. Tu es au sous-sol sous ton haltère, et tu ne vois jamais ma grande folie. C’est mieux comme ça.
Dans les dernières heures du soir, on retourne à la télévision comme une cérémonie religieuse. Nous croyons que l’acte simple de regarder suffit à améliorer la situation. Avec nos yeux et nos mains froides mises sous les cuisses, nous faisons le dépouillement peu à peu. Tu ne crois pas en Dieu, mais tu crois en moi, et je te dirige vers l’idole qui porte un costume et se cache derrière le plastique.

C’est vendredi, et ton père travaille dans la grande ville. C’est décidé aujourd’hui, quand nous nous assoyons sur le canapé et faisons notre serment de ne pas manger jusqu’à l’apparition du bonhomme à la télé. Finalement, il disparaît de notre vie aussi vite qu’il y est entré. J’oublie immédiatement son nom, et on ne discute jamais de la politique. Nous trouvons d’autres obsessions, et je dors chez moi quelques fois par semaine. Tu as trouvé la musculation et j’ai trouvé la privation, et nous passerons le reste de l’année et la moitié de celle prochaine en apprenant et en désapprenant l’autre.
On utilise la télé pour regarder la téléréalité. On sourit, on rit, et tu me racontes pour la troisième fois l’histoire de la petite déviation au centre de l’écran.

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Écrire plusieurs versions de la même histoire : l’une de manière neutre, les autres sous la contrainte de votre choix.

Par Braeden Ingram

De manière neutre :

Au nord-est de Paris dans le 19ème arrondissement, il y a un parc qui s’appelle le parc des Buttes-Chaumont. Une création du Second Empire, le parc inclut un lac artificiel avec une île, beaucoup de chemins, de la belle flore, et plus célèbre le Temple de Sybille. Je l’ai visité il y a deux semaines, et pour l’occasion j’ai décidé de pique-niquer sur une colline avec une vue d’horizon de Paris. J’ai acheté des chips et du pain, et mes amis ont apporté du fromage, des dates, du salami, et bien sûr du vin. Ensuite, nous avons fait nos devoirs sur la colline avec un haut-parleur portable qui jouait de la musique. Après environ une heure, nous avons déjeuné. Il y avait un buffet de nourriture, et nous étions très satisfaits. Pendant le déjeuner nous discutions de notre séjour à Bordeaux et Paris, et comment la France nous a changé. Pour plusieurs d’entre nous, la vie en France est une arme à double-tranchant, avec des difficultés et des avantages. Après que le déjeuner était fini, nous continuons de faire nos devoirs et de parler ensemble. L’excursion s’est terminée à 16h00, nous avons décidé d’y revenir pour un autre piquenique un jour.

 

Une lettre :

Chers maman et papa,

Comment ça va ? Je viens de faire un pique-nique absolument fantastique dans un parc historique de Paris. Le parc s’appelle le parc des Buttes-Chaumont. Il y a un lac, une petite cascade, même un temple ! Au pique-nique, il y avait cinq amis et moi. Nous avons voulu faire des devoirs et nous reposer un peu avec un déjeuner, et le parc des Buttes-Chaumont est l’endroit idéal pour ces activités. Nous sommes restés sur une colline avec une vue magnifique ; tout Paris était dans notre viseur ! Le déjeuner était super. C’était un pique-nique plein de nourritures françaises comme le fromage camembert et les baguettes (c’est un cliché mais je m’en fiche). Pendant notre séjour, nous avons discuté de beaucoup de sujets : nos cours, des problèmes avec les photocopieurs français (ils sont vraiment impossibles à utiliser, surtout à Reid Hall), et le mal du pays. Franchement, malgré tout mon bonheur d’être ici, vous me manquez beaucoup, et d’une autre façon les États-Unis me manquent aussi. J’espère que vous allez bien, et que notre chat va bien aussi.

Je vous aime beaucoup,

Braeden Ingram

Théorique :

Dans un parc, dans une ville, dans un pays, sur un continent, sur une planète, il y a six personnes qui ont décidé de pique-niquer ensemble. Ils seront artistes, écrivains, scientifiques, et politiciens, mais pour l’instant ils sont seulement étudiants. Ils sont aussi rêveurs, voyageurs, intellectuels, musiciens ; membres d’un club de personnes qui ont des attentes élevées pour le monde. Mais à la base ils sont seulement humains comme tous les autres, et comme les autres ils ont faim quand le temps de déjeuner arrive. Donc sur cette planète, dans l’Europe, en France, à Paris, dans le parc des Buttes-Chaumont, ils décident de pique-niquer ensemble. Ce pique-nique est en partie une nécessité. Bien sûr, sans nourriture on meurt. Mais ce pique-nique est également une activité d’imitation. Ils regardaient la télévision ou ils lisaient dans des livres les histoires de Paris et de la France, et avec ces histoires le stéréotype du pique-nique français émergeait. Donc aujourd’hui, ils sont au parc pour recréer une image culturelle, pour devenir quelque chose qui leur est étranger. En France, seulement pour un instant, des Américains essayent de devenir français.

Écriture créative : Description précise (2/5)

Choisir un paysage ou un lieu, fréquenté actuellement ou pris en photo, et le décrire le plus précisément possible

Par Reid Schuncke

C’est ma période favorite de l’année : le printemps. Le soleil est faible, mais ses rayons font encore scintiller l’eau. L’air est frais, et il sent comme la pluie – je vois les petites flaques d’eau dans la terre vaseuse. Les grands roseaux se balancent dans le vent gentil. Je trouve ce petit lieu par un chemin qui n’a pas été taillé, proche de la maison de mon premier petit ami.
Je m’assois sur un quai ancien de bois. Un petit canot est attaché au quai, et il flotte sur l’eau. J’imagine qu’il était beau il y a 20 ans, quand il était libre de voyager sur le grand fleuve. Chaque fois que je le vois, il est dans la même position, attaché au quai.
J’enlève mes chaussures et je trempe mes doigts de pieds dans l’eau. Le fleuve est vert et marron, à cause de la pollution, mais de loin il est bleu comme le ciel. Je vois les algues qui veulent me saisir, leurs bras verts se balançant dans l’eau. Les vairons foncent dans l’eau, autour des algues et de mes doigts de pieds.
La berge opposée est couverte de forêts, les feuilles abritent de petites maisons aux toits rouge et brun. Les grands voiliers flottent sur un grand quai, et les hauts escaliers connectent ces petites maisons à leurs bateaux. Mon voilier favori s’appelle Marguerite. Il est vert et blanc, et son nom est écrit en lettres cursives d’or sur son côté. Il est tranquille, ici, mais de loin je vois une famille sur un canot à moteur, et le bateau fait des petites vagues qui touchent mes pieds, Marguerite, et les autres êtres qui apprécient le fleuve aujourd’hui.
Je m’allonge sur le quai, le bois éclaté dans mon dos. Maintenant, le ciel est couvert, et j’essaye de trouver des formes dans les nuages. Un chat, une grenouille, le visage de mon grand-père. Je pourrais rester ici longtemps, mais je vais partir quand des grillons commenceront à chanter.

 

Par Lindsey Solo

La petite chatte noire s’était roulée en boule. Son nez était niché dans les poils soyeux de sa queue. Si on plissait les yeux, on voyait un cratère dans le fauteuil en cuir et deux petites moustaches blanches flottantes. C’était de la sorcellerie.
C’est facile d’imaginer que ce cratère noir est vraiment un portail qui mène à un monde fantasmatique : plus on le regarde, plus on chute. La couleur du trône de la chatte est un bronze royal, vieux mais vif exactement comme la petite chatte noire. Les ombres créées par les crevasses du fauteuil cassent la juxtaposition de la couleur. Elle dort lourdement. Il serait plus facile de bouger le fauteuil que la chatte. Elle est coincée entre les lignes du coussin, mais c’est bien connu que les chats aiment être en boîte. Le coussin du fauteuil est gravé à la forme de son corps. Chaque fois qu’elle abandonne son trône, son impression réserve sa place, la gardant attentivement.
Son essence pénètre le cuir. L’accoudoir est orné d’éraflures, des sortes de cicatrices de combat. Elles donnent au fauteuil une texture d’éclaboussure : l’évidence d’un crime passionnel. Un bien aimé se transforme en un bien utilisé jusqu’à ce qu’il y ait besoin qu’on le remplace par quelque chose de nouveau. Une simple photo d’une chatte dans un fauteuil. En regardant, je me détends un peu. Ce doit être confortable d’avoir un amour comme ça.

Écriture créative F23 : un trajet ordinaire (1/5)

Raconter un trajet ordinaire que vous connaissez bien. Pour aller au lycée, à l’université, chez un ami, un parent, etc. Soyez le plus précis possible, à chaque étape de ce trajet.

Par Tremaine Dawson

Je descends de la ligne 4 et monte l’escalier à l’extérieur. Les personnes sont partout. Les coiffeurs et les coiffeuses, les habitués, et aussi les hommes d’affaires qui veulent vendre leurs produits. Je suis quelqu’un à la boutique pour chercher quel type de produits ils ont et aussi pour voir leur salon. Pendant la marche, je remarque que les boutiques se mélangent avec les appartements dans la rue. Les salons pour faire des cheveux, les banques, les boutiques pour la nourriture, les restaurants avec leurs odeurs spécifiques remplissent le premier étage. Les deuxièmes, troisièmes, et les autres étages ont leur propres fenêtres et un petit peu d’espace pour un balcon. Blanc, beige, marron ont coloré les murs des appartements. Aussi, une chose très intéressante pour moi, ce sont les ruelles entre les bâtiments qui révèlent encore plus de boutiques, des magasins, et des maisons. L’art du graffiti aussi remplit les murs qui n’ont pas beaucoup de couleurs. On peut voir des excréments de chiens partout dans la rue. Il y a des personnes qui passent vivre leur propre vie. Ils parlent dans les portables, parlent à quelqu’un d’autre, écoutent de la musique, ou simplement marchent vers leur destination. La circulation et le mouvement des voitures sont présents. N’oubliez pas que les vélos et les motos vont en même temps que les voitures. La bruit emplit l’air mais c’est pas un problème. Je suppose. J’espère.

 

Par Braeden Ingram

Voici les « escaliers du paradis », cachés dans le 12ème arrondissement. Ils s’appellent la rue Jacques Hillairet, les escaliers qui mènent quelqu’un de la Rue Montgallet au Jardin de Reuilly-Paul Pernin. Ces escaliers sont protégés par des murs des deux côtés. À côté du panneau qui vous dit que c’est rue Jacques Hillairet en bas il y a une des œuvres d’Invader, le graffeur célèbre. Cette œuvre est une étoile avec des yeux. Quand on commence à descendre les escaliers, on voit à gauche un grand mur, au sommet duquel il y a un petit balcon. Ce mur divise les escaliers et une coulée verte qui a remplacé un vieux chemin de fer dans les années 1990. Entre les escaliers et le mur à gauche il y a un espace d’un mètre et demi de large au sommet de tous les escaliers pour les plantes. Plusieurs vignes tombent du sommet du mur, et les plants qui poussent en bas sont envahis, mais d’une façon qui est belle. Quand on voit les escaliers en bas, on voit un escalier divisé en deux par des rampes et des lampadaires. Les rampes sont d’environ un mètre de haut. Entre chaque garde-corps il y a une lampadaire, cinq au total. Les lampadaires sont grands, et la tête pour la lumière est un cône blanc qui repose sur le dessus. Les escaliers ont quatre parties avec de petites plates-formes entre elles, avec un total de 60 marches. Cela signifie quinze par section d’escalier. À droite des escaliers, le mur est plus gros que le mur à gauche, et le mur est séparé en grandes étapes. Chaque étape est comme un petit jardin pour des plantes différentes. Comme les plantes à gauche, les plantes à droite sont envahies, mais c’est intentionnel, un style de jardinage conçu pour rendre l’espace plus naturel. Quand on atteint le haut de l’escalier on se retrouve dans le jardin, entièrement séparé de la rue ci-dessous.

Introduction : l’atelier d’écriture créative

Dans les prochains posts, vous pourrez lire les productions littéraires des étudiant·e·s de l’atelier d’écriture créative du programme d’automne 2023. Mené par Alexis Weinberg, cet atelier s’est déroulé sur 6 semaines et a été un moment d’échange créatif et fructueux ! Le travail des étudiant·e·s est introduit ici par leur enseignant.

Déjà la troisième édition de l’atelier d’écriture créative du VWPP !
Bravo à Braeden, Claire, Lindsey, Reid et Tremaine pour leur travail !
Voici dix textes – deux par participant.e – extraits de nos six séances d’atelier, retenus pour cette publication.
Ces textes sont publiés tels qu’ils ont été rédigés puis lus à haute voix pendant l’atelier. Seule la correction grammaticale a pu être retravaillée après coup. Subsistent ici et là quelques petites maladresses linguistiques qui ne portent pas atteinte à la compréhension : elles sont la marque d’un effort authentique et personnel d’expression en français.
Ajoutons que ce semestre, la sortie à la Maison de la poésie fut l’occasion d’écouter Marielle
Macé dire des extraits de son bel essai Respire, accompagnée par le musicien Mahut.
Un grand merci au consortium VWPP de me renouveler sa confiance, avec mes plus
chaleureuses salutations à Anne Brancky, Hannah Gersten, Sophie Kolesnikov et Divine
Bakumusu.

Alexis Weinberg

Atelier d’écriture créative 4 – Textes choisis

Décrire précisément un lieu de son enfance.

  • Par Abigail Paull

Le jardin ensoleillé apparaît plutôt comme une petite prairie naturelle cachée dans la forêt, verte même en plein hiver à cause de tous les conifères. Les crocus sortent du sol gelé, entre les pierres qui forment le chemin. À côté dans le sous-bois se cachent les petits perce-neige. Le premier signe du printemps. La silence est tranquille et fatigué, l’air pur et frais chatouille le visage au moindre vent, et les feuilles sèches qui ne sont jamais tombées des branches froufroutent et chuchotent en réponse. On n’aperçoit pas dans cette saison le potentiel de cet espace. Pendant l’hiver, on ne se souvient jamais de la magnificence du printemps et de la beauté de l’été. C’est toujours une surprise joyeuse. Et Gammy, ma grand-mère, est toujours là pour me la montrer. Elle, qui sort de sa maison de bois avec les fenêtres blanches. Elle me laisse donner à manger à ses poissons rouges bien qu’ils soient en pleine hibernation. Nous nous promenons dans la petite forêt vers son étang d’un mètre de longueur, qu’elle a creusé elle-même quand elle était jeune. Nous passons les baies rouges qu’il ne faut pas manger, et les aiguilles du pin sont douces sous les pieds. Une petite cascade dégouline d’un bassin à l’autre – une fontaine déguisée en source. Je regarde des petites feuilles de nourriture partir de ma main et papillonner vers l’eau du bassin. Les poissons rouges ne sont que des petites taches orange tout au fond de l’étang.

______________________________________

Un dialogue entre inconnu.e.s saisi à l’improviste

  • Par Angelina Papa

Le ciel ressemble à l’hiver et sonne comme le printemps. Deux hommes assis à l’arrêt Porte d’Orléans, attendant le bus 38. Ils sont gris, les deux. Ils ont les yeux gris et la barbe grise. Le trottoir brille plus qu’eux. La poussière s’est accumulée et est restée dans les chemins et les rides de leur peau. Ils étaient là depuis longtemps.
Le premier homme se tourne vers l’autre et demande : « Quand avons-nous grandi ? »
« Je ne comprends pas » dit l’autre.
« Un jour, quand j’ai mis mes chaussettes, elles n’étaient pas des chaussettes de garçon mais des chaussettes d’homme. Quand j’ai mangé, c’était un déjeuner d’homme. Et je n’avais pas de mère j’avais une femme ! »
Le deuxième homme est assis tranquillement. Il est resté longtemps silencieux. Il ajuste son chapeau qui était tombé sur ses oreilles. Il serre sa ceinture et pousse les manches de sa chemise pour qu’elles reposent sur ses poignets et non sur ses mains.
« Je ne sais pas. Mais, regarde-moi. J’ai le chapeau d’un homme mais il est trop grand pour ma tête. Mon pantalon est trop lâche sur mon corps, et maintenant je suis en route de retour à la maison de ma mère. »
Dans la distance, le bus a émergé sur l’horizon. Lentement de plus en plus comme il se déplaçait sur l’avenue.
« Mais, tu es courageux si tu te dis un homme. »

______________________________________

On fera silence dans la classe pendant quelques minutes, puis on couchera sur le papier tous les mots, phrases ou expressions qui viendront spontanément.

  • Par Cece Hawley

Quand il n’y a rien, je suis attentive.
Chaque mouvement,
Chaque craquement,
Mes yeux regardent pour stimuler mon esprit.

Je peux m’entendre avec chaque geste.
Je tourne ma tête, un crépitement,
Bah, je me fais vieille !

Une préférence pour le silence de la nature,
Parce qu’il n’y a jamais de vrai silence.

Dans une salle de classe, dedans, le silence faux aussi, mais
Le vent des ordinateurs et le craquement du parquet créé par l’homme.

Quand on espère qu’il ne se passe rien dans le silence,
Mais soudainement, votre estomac décide de digérer en ce moment,
C’est la vie. C’est un cliché, mais c’est vrai aussi.
Et ça continue toujours.

Atelier d’écriture créative 3 – Trajet ordinaire

Raconter un trajet ordinaire que vous connaissez bien. Pour aller au lycée, à l’université, chez un ami, un parent, etc. Soyez le plus précis possible, à chaque étape de ce trajet.

  • Par Naya Jorgensen

Bien sûr que je me souviens du trajet. Je l’ai fait presque chaque jour. De mon appartement à celui de Leena, il ne me fallait que cinq minutes, peut-être encore moins – j’ai toujours été en retard. Apparemment on passe un tiers de la vie à attendre, a-t-elle dit une fois. Mais à cause de toi, pour moi, c’est la moitié !
Je descends du quatrième étage, puis je tourne à droite. Non – cinquième étage, j’habitais au cinquième. Je sais parce que je me souviens de mon adresse, #05-01, 80 Grange Road, comment pourrais-je oublier une telle chose ? Ça ne fait pas aussi longtemps que ça. Trois ans, ce n’est pas trop longtemps.
Alors je descends du cinquième étage et je tourne à droite. Déjà l’humidité lèche la raie de mes cheveux, laissant une rayure de sueur. Je n’aurais jamais cru que ça me manquerait ; j’avais l’impression de sentir physiquement la terre se réchauffer. J’ai toujours froid, d’ailleurs, sauf en été quand l’air sec du reste du monde me donne soif.
Je m’en écarte. Je marche tout droit vers la copropriété de Leena. C’est bizarre, on se connaît depuis le collège, quand on était toutes les deux en cours d’anglais avec – qui ? Ms. McDowell ou Mr. Smith ou les deux, c’était bien le seventh grade ? – je sais, je sais que je sais, c’est ma meilleure amie et mon enfance, après tout, et ce n’était qu’il y a quelques années. Les choses comme ça ne s’efface pas. Oui, on se connaît depuis longtemps, mais on devient amies quand je déménage à Grange Road. Mon appartement est petit et le sol est en faux marbre. Faux marbre rouge, je crois, c’est difficile à m’imaginer. C’était moche et je croyais que j’y serais malheureuse.
En route je passe devant la copropriété entre la mienne et celle de Leena : là où habite Kavin, qui nous présente l’une à l’autre dans le bus du matin. Au début on échange ; aujourd’hui ils s’asseyent ensemble, moi derrière, un jour c’est moi et Kavin, un jour c’est moi et Leena. Bientôt c’est toujours moi et Leena. Chaque matin, pas encore sept heures, et je ne sais plus quel était le numéro du bus. À l’époque j’aurais tué pour ne pas avoir à me réveiller à six heures. Maintenant je me rappelle qu’on était si fatiguées, Leena et moi, qu’elle dormait sur mon épaule lorsqu’on s’approchait de l’école et le soleil se réveillait, et j’ai appuyé ma tête sur la sienne. C’est vrai, à l’époque je me croyais malheureuse en effet, ça je m’en souviens. Mais je ne suis plus sûre pourquoi.
C’est si rapide, j’arrive devant la collection d’immeubles bleus et blancs et gris, tout en verre et brillants. Je me souviens qu’une fois il y avait un serpent dans la piscine. Je me souviens qu’on se disait toujours au revoir chez elle, je l’ai raccompagnée à chaque fois même si chez elle était plus loin des grands boulevards. En fait on se disait jamais au revoir ; on se disait à demain. Je me souviens d’être devant son bâtiment la nuit avant mon départ de Singapour, dans ses bras. Auparavant j’avais tellement voulu quitter cette période de ma vie et elle le savait, elle a dit Tu seras enfin indépendante et j’ai dit Je ne veux pas être seule. Mais je ne souviens pas de ce qu’on a dit après, et je ne me souviens pas de la rentrée, ce dernier trajet simple entre elle et moi.


***

  • Par Kellan Walker

Je ferme la porte avec précaution pour qu’elle ne grince pas. Je ne veux pas réveiller mes parents et ma sœur. Le bruit de la clé dans le verrou est bruyant, mais je m’échappe sans problème. Dehors, le ciel est d’un violet foncé. Le monde est tranquille, même les oiseaux ne chantent pas. Il fait juste un peu froid, et je vois que j’expire de la vapeur. En marchant à ma voiture, je fouille dans mes poches pour vérifier que je n’ai rien oublié. J’ouvre mon coffre et mets ma boîte à lunch à côté de mes cannes à pêche et provisions. Encore une fois j’essaie d’être extrêmement silencieux en entrant dans la voiture. C’est vraiment stressant de se faufiler comme ça ! Je pousse un soupir de soulagement et appelle Alex. Je dois toujours vérifier qu’il ne dort pas. Nous confirmons l’endroit de la réunion et puis nous raccrochons. J’allume la musique et commence le trajet. Je fredonne la chanson de Tyler Childers et pianote sur le volant. Il n’y a personne dans la rue. Les phares illuminent le chemin sombre, et j’aperçois la lune. Après deux ou trois chansons j’arrête la radio. Je veux me concentrer parce que je dois conduire plus lentement. Je passe devant les vieilles maisons délabrées. Le village est petit, mais beau à sa façon. Quand ma voiture atteint la colline, je peux voir une vue incroyable. La Susquehanna puissante coule au sud, et Harrisburg se trouve à travers elle. Le fleuve fait plus d’un kilomètre de large, avec des douzaines d’îles parsemées. Je tourne à droite, dans le parking de gravier. Je suis seul jusqu’à ce qu’Alex arrive. Nous nous disons bonjour et nous nous préparons pour la journée. Nous prenons les cannes à pêche et les boîtes à lunch, et puis nous nous installons où le ruisseau, le Conodoguinet, se jette dans la Susquehanna.

Atelier d’écriture créative 2 – Un moment historique

Récit personnel d’un événement historique : le covid

  • Par Cece Hawley

J’avais entendu les rumeurs d’une maladie qui a commencé en Chine, mais pendant le déjeuner, c’était une pensée passagère. Les amis que j’avais connus depuis que j’avais 5 ans se sont disputés à cause d’un désaccord dans ma classe. Ils ont crié les uns les autres à travers la salle à manger et à la fin de la journée, tous sont partis énervés et prêts pour les vacances. C’était le dernier jour que nous étions tous ensemble. Ensuite, toutes les choses qui avaient été planifiées ont été annulées, mais pas de souci parce qu’il y avait encore deux semaines de vacances. Fantastique ! Dans ma famille, il y avait un sentiment d’incertitude. Ma mère était la plus nerveuse et elle a entendu qu’il y avait une pénurie de papier toilette. En portant nos masques faits à la main, mon père et moi avons cherché le papier toilette dans quatre marchés différents. C’était comme si les jours se mélangeaient, mais chaque jour j’ai voulu faire quelque chose et j’ai eu besoin d’être dehors. Donc, chaque jour j’ai couru dans la rue, mais à la fin toujours j’étais rentrée chez moi.
Finalement, après quelques cours asynchrones, le lycée virtuel a commencé.
J’avais l’impression de ne rien apprendre chaque jour. Entre les cours virtuels, nous avons organisé les fêtes sur Zoom, comme toutes les autres choses sur l’ordinateur. C’était amusant, puis la date pour Le Prom est passée. C’était ma dernière chance d’y aller. Ensuite, les anniversaires de mes amis passent, le choix des facs, toutes les dernières chances d’être ensemble avant que la fac ne commence. Mais, à un moment sur Zoom il était annoncé que nous aurions une cérémonie de remise de diplôme en voitures ! C’était un rêve pour l’époque de Covid. En une heure, tout était fini. Le temps que j’ai passé avec mes amis, le lycée, les profs, tout. Ensuite, je commencerais une autre partie de ma vie, mais sans connaître le futur du monde.

***

  • Par Naya Jorgensen

Au début il n’y a que les vielles tantes qui portent le masque. Quand nous les croisons dans la rue, Leena fait semblant de tousser fort et leur faire peur, je dis Tu peux pas faire ça ! mais je rigole à chaque fois. Notre metteur en scène pour la grande pièce du semestre est allé à Shanghai pour une conférence, et quand il rentre à Singapour il est obligé de faire une quarantaine. M. Schulz a probablement rattrapé le Wuhan ! C’est comme ça qu’on appelle le virus. Notre metteur en scène, c’est le Wuhan lui-même ! dit-on en riant. Tout le monde en fait des blagues, c’est une nouvelle si étrange qu’il ne nous arrive même pas à l’esprit d’avoir peur, au début, au début.
Jennifer, aussi, était allée à Shanghai, elle y avait passé les vacances d’hiver avec sa grand-mère. C’était silencieux dehors, nulle part je n’ai vu personne, elle me dit dans un texto, parce que ses parents lui interdisent de venir à l’école. Quelque chose me dit de ne pas lui répéter mes autres plaisanteries.
Il y a un nouveau logiciel qui s’appelle Zoom. C’est Zoom qui a créé ce virus, ils veulent devenir riches en nous forçant à tout faire en ligne ! Chaque jour dans la bibliothèque avant les cours, on dit, Eh bien, c’est notre dernier jour d’école, profitons-en ! Viens, Evelyn, fais-moi un câlin, je te reverrai peut-être jamais !
Notre professeur de maths nous dit qu’on peut se plaindre, mais un garçon en Chine, paralysé depuis sa naissance, serait mort de faim après que son père est mort de COVID – c’est comme ça qu’on l’appelle maintenant et ce n’est pas drôle – on n’aurait pas pu venir pour lui donner à manger. La mort règne là-bas et maintenant on sait qu’elle vient, vite, des ailes noires. Nous regardons tous la table, n’ayant rien à dire.
Un matin Regina apporte son caméra et nous dit, Montre-moi une tête super triste pour que j’en garde le souvenir. Il s’avère qu’on est, en fait, au dernier jour d’école. Le gouvernement singapourien nous met tous en quarantaine. On ne pourra pas recevoir nos diplômes, je plaisante. Ce n’est pas un succès, on est en train de faire semblant d’être sur le point de pleurer pour la photo de Regina.
Soudain dans ma chambre, il n’y a plus ce feu roulant d’esprit ; il faut que je crée du bruit. J’écoute de la musique douce toute la journée, j’appelle Leena sur FaceTime et on y reste même sans parler, juste pour entendre les sons de l’autre qui bouge. À un moment je lui demande, Ça va ? et pour la première fois je la vois fondre en larmes. Essayant de mettre en pause ma musique, je raccroche et je la laisse seule, je la rappelle mais c’est trop tard, elle s’est remise un peu et elle sourit. Tu m’as abandonnée ! dit-elle, et on ne peut qu’en rire.

***

  • Par Abigail Paull

Je me souviens des “memes” du fin de monde “World War 3 et la nouvelle épidémie de Chine” qui sortaient les premières journées de l’année 2020. Je pensais que, comme toutes les autres mauvaises nouvelles de ma vie, ces mauvaises nouvelles ne m’affecteraient pas trop. Heureusement que la crainte de WWIII a rapidement baissé dans ces premières semaines, cependant le coronavirus a continué. Je me souviens de mon père qui parlait avec la famille de ma mère, disant que les experts pensaient que cela serait vraiment une catastrophe mondiale et qu’il fallait vraiment le prendre au sérieux. Alors ma famille était une des familles qui avaient peur très tôt du virus. Alors on a acheté nos provisions avant que les gens aient vidé les magasins de papier toilette. Février est arrivé et les cas en Italie commençaient à sortir. Il n’y avait toujours pas beaucoup de cas aux États Unis, quelques-uns à Seattle. Début mars, les cas de covid étaient dans mon état. Il y avait une école à Rhode Island qui avait une excursion en Italie. Les étudiants ont attrapé le covid et sont rentrés. Mon école jouait au hockey avec eux, dans la même équipe. Ils ont arrêté, bien sûr. Mais on évitait les pauvres gens dans l’équipe. Je ne pouvais pas tomber malade. Nous avions des plans pour les vacances d’été avec mes grands-parents, mais il paraissait que le covid était pire pour les personnes plus âgées ? On n’en savait pas beaucoup, mais ils nous ont dit que c’était vrai. Ils nous ont aussi dit de ne pas porter de masques car ça ne changerait rien et car il fallait les laisser aux docteurs. Mais si les docteurs en avaient besoin, n’était-ce pas utile ?
J’ai manqué une journée d’école le jeudi car on ne voulait pas attraper le covid avant d’aller dans l’avion. On pensait toujours qu’on allait voyager. Comme je n’étais pas là le jeudi, j’ai remarqué qu’il y avait une ambiance fortement changée. Mercredi tout le monde était normal, content, n’avait pas peur. Le covid était toujours loin, tout allait bien. Jeudi soir nous avons décidé de ne pas aller en vacances, alors je suis retournée à l’école. Le vendredi, l’atmosphère était étouffante et effrayée. Puis nous, les terminales, nous sommes partis en vacances de printemps, avec aucune idée que nous ne reviendrions jamais à notre lycée.

Atelier d’écriture créative 1 – À la manière de…

A la manière de… Marguerite Duras

  • Par Angelina Papa

Il est né dans la ville de sa mère. La ville est toujours restée la même. Les visages des gens changent, d’une génération à l’autre les yeux changent de couleur, les cheveux changent d’ombrage, mais leur esprit reste toujours le même.

Quand je me suis présentée à lui, j’avais 20 ans. Je n’ai réalisé que des années plus tard à quel point j’étais jeune. Sur les photos, mes cheveux étaient longs et foncés. Mon sourire avait tellement de jeunesse. Les photos ont une façon de ramener le passé au présent, mais elles donnent aussi l’impression que les souvenirs sont des rêves.

Quand je me suis présentée à lui, je portais un chapeau bleu. Il adorait cela, et il m’a dit qu’il l’aimait. Je pensais que c’était mieux dans ses mains que sur ma tête. Son ruban dansait dans ses doigts et il le jetait en l’air pour revenir en oiseau. Il disait toujours que le chapeau était comme un morceau de moi. Un morceau qu’il pouvait garder même après mon départ. Il n’a jamais su que j’avais acheté le chapeau le matin de notre rencontre. Il n’est pas resté sur ma tête assez longtemps pour que mes cheveux lui donnent même son odeur.

Des années après mon départ, il est resté dans ses mains. Quand il ne le tenait pas, il était accroché à son mur juste à côté de la fenêtre au-dessus de son lit.

Nous avions toujours pensé que c’était un endroit pour se reposer pour l’éternité. Pour lui ça l’était. Pour mon chapeau bleu aussi – l’éternité. Mais pour moi, c’était trop difficile de rester. J’étais trop jeune pour vivre dans l’éternité.

_____________________________________________________


Je me souviens… (inspiré de Georges Perec)

  • Par Kellan Walker

Je me souviens de la chaleur du bitume.
Je me souviens des murmures des feuilles.
Je me souviens des jours où on s’épuisait, en courant toute la journée sur le champ libre.
Je me souviens des jeux auxquels on jouait.
Je me souviens des éraflures sur mes genoux.
Je me souviens des fois quand on se combattait et luttait dans l’herbe jaune.
Je me souviens de notre école.
Je me souviens des peintures murales à l’intérieur.
Je me souviens des visages de tout le monde mais pas des noms de nos amis.