Alexis Weinberg
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Par Carissa Clough
Un lieu de mon enfance.
C’est plus calme ici. J’ouvre les yeux et tout est flou. Je les ferme. Je suis aveugle.
Ma peau, brûlée par le soleil, est refroidie. Une vague s’écrase au-dessus de moi, je lève mes mains au-dessus de ma tête et je sens l’eau me balancer doucement. Les gens au-dessus de l’eau fuient la vague, ou sautent par-dessus, ou font la course pour plonger dans l’écume blanche de la mer avant que la vague ne les frappe. Mais ici, en dessous, je sens la force douce, je me balance doucement. Je suis en sécurité.
Le son est étouffé. Je ne peux pas distinguer les sons, mais je sais que je peux écouter tout l’océan. Je ne peux pas voir. Je ne peux pas respirer. Mais je suis sans poids. Je flotte dans l’espace. Ici, sous l’eau, se trouvent à la fois le plus grand mystère et le plus grand réconfort.
Je m’enfonce dans le fond sablonneux. Je pousse avec mes pieds, je donne des coups de pied pour atteindre la réalité.
Texte d’imagination, explorant un champ lexical.
Je suis une femme légume. Je viens du jardin. J’ai des pieds de pomme de terre, un cerveau de brocoli, un estomac de pamplemousse et un cœur d’artichaut. Mes os sont faits de haricots verts. Je suis une femme légume.
Étant une femme légume, je pourris facilement. Ma durée de vie est de 3 à 5 jours. Il ne me reste que 5 jours à vivre. Aujourd’hui, j’ai vu un homme-fruit. Je crois que je l’aime. Ses yeux framboise, ses lèvres fraise, son estomac clémentine, son cœur pomme rouge…
Je l’ai vu une fois aujourd’hui, de l’autre côté du jardin. Il est interdit aux légumes et aux fruits de s’aimer. Nous devons toujours être séparés. Mais rien n’arrêtera mon amour ardent pour mon homme-fruit.
Regarde ! Le jardinier arrive. Qu’est-ce qui est de saison ?
L’homme-fruit, l’homme-fruit ! Il vient cueillir l’homme-fruit ! Il veut son pamplemousse ! Pas mon amour, mon chéri ! Quelle horreur ! Mais maintenant il vient pour moi. Oui, donnez-moi la mort si je ne peux pas avoir mon homme-fruit. Plus près, plus près, plus près. Il tend la main. De moi, que va-t-il choisir ?
Je sens sa main se refermer sur mon cœur. Mon cœur d’artichaut cueilli et parti.
A la manière de Duras.
Pierre a rencontré Camille à une fête d’anniversaire d’un ami commun. Elle travaillait comme journaliste de mode, son père a trouvé ce travail pour elle. Elle a vécu à Paris toute sa vie. Elle était journaliste, mais elle aurait pu être modèle car c’était la plus belle fille que Pierre ait jamais vue. C’est vrai—j’ai vu des photos d’elle.
Il semble que les plus belles filles soient toujours les plus tristes. Une chose étrange que Pierre m’a dit à son sujet est qu’elle aimait les photomatons. Elle avait un tiroir dans sa chambre rempli de bandes de photos d’elle seule. Les photos sont devant moi maintenant. Cheveux blonds, visage sérieux. À quoi penses-tu, Camille ? Qu’est-ce qui ne va pas Camille ? Il y a au moins une centaine de bandes de photos. L’une d’entre elles m’a frappé. Elle pleure. Son stick à lèvres est étalé. Il n’y a qu’un flou gris là où ses lèvres devraient être.
Elle a quitté son travail par hasard un jour du printemps dernier. Elle a dit à Pierre qu’elle voulait une pause de la vie urbaine. Elle voulait déménager dans le sud. C’était deux semaines avant sa disparition.
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Par Evelyn Lochart
A partir d’expressions idiomatiques comportant le mot « cœur ».
Tous les jours, j’essaie d’avoir mon cœur sur la main, mais je n’arrête pas de le laisser tomber.
Mon ami, il a un cœur en or mais il m’a dit que c’est trop lourd dans sa poitrine, et qu’il pense à s’en débarrasser.
Je connais quelqu’un d’autre qui fait vraiment le joli cœur. Je ne peux pas passer trop de temps avec lui, parce qu’il dérange les feuilles de mon cœur d’artichaut.
Chaque fois qu’il joue avec mes bourgeons, mon cœur devient gros, et je dois le remettre de ma main à ma poitrine pour que je ne puisse pas entendre ses cris.
Mais, après avoir passé du temps dedans, avec le sang et l’oxygène, mon cœur devient net, et j’essaie de le porter sur ma main encore.
Un lieu de mon enfance.
Derrière la maison de mes grands-parents, il y a un patio en pierre, avec quelques chaises plastiques blanches et une table en verre, à côté d’une pelouse. En été, des petits papillons jaunes arrivent pour se reposer sur les bras des chaises, en battant doucement de leurs ailes, qui donnent la lumière au soleil.
Si on traverse au bord du patio, on voit un œuf plastique bleu, demi-caché, oublié par les petits chasseurs de Pâques de l’année précédente.
Quand on continue sur l’herbe, à droite se trouve la petite maison rose et verte, où, après que les enfants sont rentrés pour dîner, les fourmis et les araignées continuent à s’amuser.
L’herbe est un peu étrange ; il y a un grand rectangle au centre plus clair qu’ailleurs. Ce rectangle couvre l’endroit où se trouvait la piscine, dont l’image diminue dans mon esprit. Peut-être que les souvenirs sont enterrés sous le sol.
Mais, maintenant, les nouveaux souvenirs sont enterrés avec les autres ; la maison est vendue. Je n’y vais plus, la maison est là mais pas la maison rose et verte, pas l’œuf bleu, peut-être même pas les petits papillons du soleil.
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Par Sam Rapkiewicz
Focalisation interne / Focalisation zéro.
J’étais assise dans le parc l’autre jour, appréciant le beau temps. Il y avait un peu de monde pour un jeudi et je suis devenue un peu irritée par le bruit des enfants qui criaient et pleuraient. C’est un son qui est presque infernal pour moi. Quand j’entends ce son, je ne vois que les choses laides autour de moi. C’est alors que mes yeux ont trouvé un petit écureuil se précipitant sur une fine branche d’arbre. J’ai regardé avec attention l’écureuil sauter sur une autre branche, atterrir à peine. Commençant juste à se sentir soulagée, la créature stupide a sauté d’une autre branche bancale, sauf que cette fois, elle n’a pas réussi à atterrir sur l’autre branche, et plutôt a chuté à peut-être de 15 mètres au sol. Le bruit sourd n’était pas audible sur les cris des enfants.
Les cris, les gémissements des enfants fraîchement sortis de l’école.
Leurs parents les traînent dans le parc, hagards.
C’est l’automne et les feuilles commencent à s’accumuler sur le sol, ce qui produit un son de craquement satisfaisant lorsque les gens marchent dessus.
Les arbres sont grands et orange, jaune et rouge. Ils semblent tranquilles puisqu’ils sont un peu à l’écart des bruits des enfants. Mais ce sont des arbres— ça ne les dérange pas.
Mais les animaux oui. Les oiseaux et les écureuils se réfugient en hauteur dans les arbres, observant le chaos en contrebas. Vers la cime d’un arbre particulièrement vieux au milieu du parc, un jeune écureuil court sur une branche vacillante.
C’est comme une corde tendue, et d’un seul faux pas, le pauvre tombe et meurt.
La vie dans le parc continue… il semble que personne n’ait remarqué la tragédie.
A la manière de Virginie Despentes
Il y a un homme qui est assis sur le perron du coin. Il est assis toute la journée, regardant les passants. Un téléphone est plaqué contre son oreille, et il a un cigarette à la main. Son rire résonne dans la rue. Les voisins passent la tête par les fenêtres, d’abord indifférents à lui, mais plus tard dérangés.
C’était l’été quand il s’est présenté. Et il est resté. Même les jours de pluie, l’homme se place juste sous l’auvent pour éviter la pluie. Il fait plus froid, et à New York il fait glacial. C’est décembre et l’homme est là. Les voisins commencent à formuler des idées sur lui : est-il sans abri ? Alors pourquoi il a des nouvelles baskets cool tous les jours ? Peut-être qu’il reste assis dehors toute la journée pour échapper à une mauvaise situation familiale et revient à 22h tous les soirs.
Un jour, l’homme n’est pas là. Les voisins se concertent… Où est-il ? Bien que certains d’entre eux aient été agacés par sa présence d’abord, ils ne peuvent s’empêcher d’être un peu inquiets. Lui avaient-ils souhaité quelque chose de terrible ?
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Par Nicholas Summerson
Un trajet familier.
Je monte la colline et je marche parmi les grands arbres, le hêtre, le chêne, l’érable. Leurs branches poussent vers le ciel et leurs feuilles font un voile qui projette des ombres sur le sol. Sous mes pieds les feuilles du dernier automne craquent bruyamment—tous les animaux dans les environs savent que j’entre dans leur territoire, mais en fait c’est mon territoire aussi. J’ai grandi parmi ces arbres et je les connais bien, des visages dans leurs écorce sont familiers comme un ami. J’arrive au sommet de la colline et je regarde derrière moi, je suis en haut et ma maison semble être si petite. J’entends les sons des voisins qui jouent avec leur chiens et des cris et des rires des enfants qui jouent au basket dans la rue. Je descends de l’autre côté de la colline et ces sons disparaissent, ce côté est calme. J’entends des chants des oiseaux et le bourdonnement des insectes. Je m’assois sur une grande pierre. Elle est ancienne. Elle est couverte de mousse. Elle est arrivée ici il y a longtemps. Elle a un nom que je pourrais découvrir si je l’écoutais attentivement et pour longtemps. Je m’allonge et je regarde vers le ciel, ce bleu immense qui existe en haut, ce royaume des oiseaux et des esprits. Le soleil, en brillant à travers les feuilles, éclaire la forêt avec une lumière douce et verte, et dans les petits espaces entre les feuilles le soleil semble être des milliers d’étoiles luisantes et magiques. En silence, tout tranquille, je fais un petit vœu, je respire et je le laisse s’envoler loin de moi.
A la manière de Duras.
Il s’est trouvé dans les ombres. En fait il a existé dans les ombres toujours. Il a eu un nom, mais c’était un nom silencieux. Il était seul. Il s’est caché dans une mer profonde, noir et chaotique. Mais un jour quelque chose s’est passé, une lumière est née dans le ciel—la mer n’est plus noire, elle brille. La lumière aussi avait un nom—mais c’était un nom avec un son qu’on ne peut que prononcer entre les moments, en dehors du temps. Il était intéressé par cette lumière—elle était si différente de lui. Il en a approché et pour la première fois il s’est senti chaud. Sa lumière lui a beaucoup plu. Elle était le bonheur—si étrange pour lui. Il était habitué à l’obscurité. Il a avancé vers elle et les deux ont commencé à danser. Puis son cœur a commencé à faire un rythme—la première chanson, un tambour si simple, si doux. Il a fait un autre pas vers elle et son corps s’est illuminé. Il s’est regardé pour la première fois et il a réalisé qu’il était laid. Il s’est détesté. Et il a détesté la lumière pour lui avoir montré sa laideur. Il ne pouvait pas rester là, dans le ciel. Il s’est jeté dans la mer et il s’est caché au fond de la mer—le seul endroit où la lumière n’a pu pas le toucher. Il s’est marié avec les ombres, les monstres dans la profondeur. Et dans l’obscurité il était seul encore, mais il est resté quelque chose du ciel—le battement de son cœur. Il s’est souvenu de la lumière, sa beauté et sa gloire. Sa mémoire a brisé son cœur. Son cœur sanglotait et son sang faisait une rivière rouge dans ce monde bleu et sombre. Cela, c’était le premier poème.
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