Écriture créative : A la manière de… (4/5)

A la manière de Virginie Despentes

Par Tremaine Dawson

Un parc qui se transforme en une forêt plus on le parcourt. Fabian commence son voyage vers 18h. La soleil va se coucher bientôt mais il s’en fiche. Il court tous les mercredis pour rester en forme et passer le temps car chez lui, c’est très isolé. Il écoute 6lack, un artiste rappeur américain qui l’intéresse puisqu’il a fait le choix d’apprendre l’anglais il y a deux mois. Il ne sait pas ce qu’il dit mais il aime le rythme et ses productions. Le paysage du parc est très joli maintenant. Les feuilles changent de vert à orange, marron, et certaines feuilles décorent le sol de son chemin. 

Pendant que la musique joue, il pense à sa vie. « Est-ce que j’aime ma vie maintenant ? Qu’est-ce que je voudrais faire à l’avenir ? Et suis-je prêt à changer ma vie ? » Ses pensées prennent tellement le dessus sur son esprit qu’il ne se rend pas compte qu’il est presque chez lui. Le chemin traverse le parc et après la forêt mène directement à son grand et nouvel appartement. Il y a 15 étages et il habite au 12ème. « Je peux voir toute la ville », dit-il à tout le monde qui lui demande pourquoi. C’est pas exactement faux mais c’est pas la vérité totale. C’est aussi pas son choix de vivre tout seul. C’est la vie. Je vous dirai plus tard. 

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A la manière de Marguerite Duras.

Par Claire Bennett

Dès que Paul revient de l’armée, il semble différent. Même s’il est difficile à décrire, néanmoins il est clair qu’il lui manque quelque chose. Oui, son bras droit sous le coude, mais Paul n’a pas besoin de son bras droit. Il n’écrit ni fait de sport ni mange à la fois avec une fourchette et un couteau. Donc, le fait qu’il n’a pas son bras droit sous le coude va assez bien pour Paul.

Pendant sa jeunesse, Paul était le pire avocat de la ville. C’était bien connu, et on se moquait bien de lui. Il pratique le droit immobilier, le domaine le moins respectable selon quiconque qui compte. Sous la direction de son père, il a perdu 30 kilomètres carrés qui avaient appartenu à une ferme de pommes de terre, une gaffe incroyable. De toute façon, il a donné ces 30 kilomètres carrés à une grande entreprise chimique, qui a inondé le sol avec plus d’une tonne de chlorofluorocarbures. Toute la terre est abîmée, et tout le fleuve en aval, aussi. Ça c’est la sorte d’histoire vraie qui ne pourrait pas arriver sauf dans une petite ville, et qui ne pourrait pas arriver sauf à quelqu’un comme Paul. Tant pis. 

Alors Paul est différent, et nous réfléchissions tout au long de son premier mois chez lui, réuni avec sa grande voiture rouge et les cigarettes qui lui étaient à nouveau librement disponibles. Ses dents semblent plus tranchantes, ses yeux plus bleus. En fait, la différence se trouve dans son travail. Non, Papa, laissez-moi, vous ne regretterez rien, je vous promets. 

Son père est mort. Tant pis. 

Mais après cette guerre, toute cette mort-là, il est impossible pour lui de perdre un dossier. Il a appris outre-mer une sorte de cruauté qu’il faut avoir pour réussir dans le domaine du droit immobilier. Paul a trouvé lui-même une belle femme, Stéphanie, qui est blonde et insipide et, nous pensons, ne lui pose aucun problème. Bien joué, Paul. L’argent, la femme, la vie. Tout ça. Pas le respect de la ville—on ne boit plus de l’eau et ne mange plus les pommes de terre—et il y aura toujours la petite difficulté avec ce bras droit, mais bon, tant pis.

Paul me donnait des coups de poing au lycée, d’habitude le jeudi, entre les cours de biologie et d’histoire. On oublie ce type de truc. De toute façon, il manque le bras droit à Paul, et malgré la guerre et les énormes muscles bronzés, je pourrais le battre dans un combat qui aurait été équitable s’il avait eu ses deux bras. En plus, on a de la peine pour Paul, le pauvre homme, donc ce n’est pas une grande injustice qu’il m’ait frappé au lycée. La vie le frappe. Tant pis. 

Il est vrai que les bonnes choses arrivent aux mauvaises personnes, mais il est aussi vrai que les mauvaises choses arrivent aux mauvaises personnes, comme moi. Je conserve les deux bras, mais je n’ai pas épousé une jolie femme ou quelque chose comme ça. Je travaille, mais je n’ai jamais causé un grave désastre écologique, et je ne suis jamais devenu le meilleur avocat dans un rayon de 500 miles. Tant pis. 

Un vendredi de mai, je dépasse Paul dans la rue. Il paraît avoir sanglé un bâton à son coude droit, cachant tout l’appareil sous la manche de sa chemise. Il est en colère, à cause de je ne sais quoi. Stéphanie marche trois ou quatre pas derrière lui, son regard fixé sur le trottoir. En quittant son appartement, un jeune homme traverse l’espace honteux entre le couple malheureux. Sous le soleil du printemps, on peut voir la beauté sur le visage de Paul, la beauté sous la cicatrice de guerre et la maigreur persistante de ses joues.

Je ne le vois plus jamais. Rien ne change dans la ville, et on s’en fiche, et c’est ça. Tant pis.