Promenade parisienne, aux accents surréalistes.
- Par Dash Merrill
Les bâtiments de Paris nagent et tournoient, tous ensemble, tous différents. Leur propres couleurs brillent pendant que la ville devient la rue, et la rue devient les façades, et les façades deviennent les fenêtres qui cachent les histoires des gens à l’intérieur. Les portes grandes et petites : la bouche, les fenêtres : les yeux, les briques : la peau. Ils se parlent, jours et nuits, discutant des histoires que personne ne connait. Ils ont vu les événements de la ville avant que toutes les personnes qui y vivent soient nées. Ils vont voir le monde après que le ciel rougit et les plantes reprennent encore la terre.
Pendant ma promenade à travers le quartier, j’entends des petits morceaux de leurs conversations. Un vieux bâtiment fait la morale au bâtiment moderne. Les grandes fenêtres nombreuses aveuglent le plus âgé avec du soleil. Un petit bâtiment se cache à l’arrière de son mur, avec les yeux qui jettent un coup d’œil dans la rue. Des jumeaux se disputent côte à côte. J’arrive à mon bâtiment, une veille femme qui a trop fumé pendant sa vie, mais qui ne regrette rien. Elle ouvre sa bouche qui est la porte et j’entre, descendant la gorge.
Regardant à travers ses yeux, je vois les lampes de rue allumées. Dès ce moment, les sommets se transforment en méduses. Les bâtiments rient, c’est leur partie favorite de la nuit. Les méduses dansent et ondulent, éclairant le graffiti délavé dans les murs des bâtiments rebelles. Je vois des déchets sur le terrain, fondant lentement dans la terre. Les méduses rebondissent sur l’équipement de construction, les machines avec autant de bras qu’une araignée. Une des méduses renverse un sac de saletés que quelqu’un a laissé au milieu de la rue.
Dans ma chambre, je regarde mon lit. Je me vois moi-même, endormi, les yeux fermés, respirant doucement. Qu’est-ce qui se passe dans ma tête ? je me demande.
- Par Teoman Soydan
D’Enfer-Rochereau
Il attend déjà sur le quai une fois que j’y arrive. Je le remarque immédiatement, son air bizarre et différent, il s’y balade comme s’il n’a nulle part où aller. Je passe derrière lui pour aller loin mais je le vois me suivre jusqu’à ce que nous soyons dedans. J’ai l’impression qu’il me regarde. Je ne le regarde pas mais je sens ses yeux sur moi. Mes yeux échappant aux siens commencent à compter les arrêts : 1, 2, 3, 4 … Il regarde ce que je regarde. J’essaie de regarder son visage sans attirer son attention mais il arrive à découvrir mes yeux avec les siens. Il les explore avec un sourire mais sans aucune expression dans ses yeux. Dans les courtes secondes où je le regarde, j’aperçois qu’il a de grands yeux pour la taille de son crâne et qu’il me connaît, mais qu’il n’a pas d’âme. Je descends avant d’arriver à mon arrêt.
Je m’assois sur un siège, ressentant l’air lourd dans mes poumons, des lampes clignotantes et chantantes comme dans une morgue. Mon corps digère mollement les lentilles du déjeuner. Je regarde les gens aller et venir, un voyeur banni, comme si quelqu’un allait m’arrêter. Je n’appartiens pas à ici mais personne n’y appartient parce qu’on ne reste pas dans les stations de métro. On ne les utilise que pour aller et venir.
Quand je lève mon regard, je vois des squelettes habillés, leurs crânes dans les écrans. Un casque couvre les oreilles de chacun. La ligne est interrompue entre Raspail et Glacière, mes deux mondes, avec moi au milieu. Mais personne ne bouge.
Donc il réapparaît mais, cette fois, il devine que je viendrai avec lui. Il me regarde avec le même sourire sans aucune expression dans ses yeux. Donc je me lève et je le suis dans les tunnels. On marche dans le noir jusqu’à la fin du passage.
Je me pousse sur le quai quand on quitte le tunnel mais je ne vois personne quand je regarde derrière moi. Donc je prends mon casque, le mettant sur les oreilles, je marche vers l’appartement ; comme si rien ne s’était passé, comme si rien ne se passe.